Les trois pyramides de l’évolution : de la clarté intérieure à l’envol de soi

Par Laurent CHATEAU

Dans l’ouvrage « Mon ego, ce héros » sorti en 2015(*), j’avais présenté l’outil de la « Pyramide de la clarté » ou du « mandat céleste » que j’aime également appeler la « Pyramide de vie ». On s’en souvient, elle reprenait les différents étages qu’un être conscient tente d’approcher pour donner un sens à sa vie. Du plus bas au plus haut de ses degrés, la pyramide aide à répondre à la question des goûts de chacun puis de ses talents, puis de ses dons puis de ses croyances, valeurs/principes ou devises de vie, de ses besoins, de ses objectifs de vie pour finir par son rêve de vie, au somment du monument de soi.

Cette pyramide était ainsi représentée :

La pyramide de vie rassemble ses variables support et ses axes d'incarnation. Elle tente de répondre à la question du "qui on est" fondamentalement, de ce à quoi on aspire et où on va dans la présente existence. C’est la dimension de l’Homme (ou de la Femme) véritable et le cœur de notre équation personnelle, notre nature incarnée et céleste aurait dit Tchouang Tseu sur ce plan de réalité (car la pyramide est bien posée sur le sol). Si on devait la représenter, cette pyramide de vie est le fut de l’arbre qui se découvre et se sculpte. Dans la tradition taoïste, ce travail de connaissance et de libération de son potentiel de vie et de sa véritable nature s’appelle « Libérer le Dragon ».

Pour aller plus loin dans l'utilisation de cet outil, j’explique de temps à autres lors d’ateliers de quelle manière on peut utiliser cette pyramide de vie de manière concrète et opératoire, en la croisant par exemple avec les 3 utilités que j'ai décrites dans l'ouvrage "Coaching des dirigeants du IIIè millénaire** : 1) utilité à soi, 2) utilité aux autres et 3) utilité au monde.

Cette pyramide est la plus importante de toutes car c’est elle qui guide notre action terrestre à l’image d’un fanal dans la nuit de nos vies. C’est cette pyramide de vie qui devrait en priorité orienter nos existences car elle donne la direction dans les moments où l’on se sent perdu. De manière complémentaire toutefois et par égard vis-à-vis du Yin/Yang de notre réalité terrestre, mes travaux d’aide à la connaissance de soi m’ont amené à compléter cette pyramide de grandissement par la pyramide des racines, d’enrichir cette pyramide qui aspire à se rapprocher du soleil par son complément souterrain qui grouille et rampe sous la terre, la pyramide de l’ombre.

Si la pyramide de vie est l'avers de la pièce, cette pyramide inversée rassemble le revers de mes dégoûts, de mes peurs (superficielles et fondamentales), de mes manques, de mes valeurs inversées, de mes freins et de mes doutes, des limites de mes objectifs et de mes ambitions sans oublier les limites de mes rêves.

Plantée dans la terre, cette pyramide raconte l’histoire de mes mémoires et de ma généalogie, de mes blessures fœtales ou d’enfance, de mon éducation et des conditionnements sociaux, familiaux ou professionnels, des pilotes cognitifs (drivers) inconscients qui nous font agir [1]. des parades adaptatives que j’ai su trouver pour répondre à la conflictualité du monde dans lequel je vis et j'évolue.

Bien tapie dans les replis de notre inconscient et légèrement émergé à l’image d’un iceberg, elle rassemble les points sur lesquels nous savons (plus ou moins) devoir travailler, pour pacifier notre relation à nous-mêmes, aux autres puis au monde. Cette pyramide pointe vers le bas, vers la Terre, l’obscurité du sous-sol et du passé, à l’image des racines d’un arbre. Dans la tradition taoïste, le détachement de ses mémoires et des autres contingences sociales, culturelles, éducatives ou familiales s’appelle « Dompter (ou domestiquer) le Tigre ».

Comme je l’ai déjà écrit dans un article précédent, si cette pyramide a son rôle à jouer, il est essentiel en première intention de définir sa pyramide de vie AVANT de s’appesantir sur sa pyramide de l’ombre pour deux raisons principales :

1. Le fait de travailler sa pyramide de vie (trouver sa voie, sa mission, qui on est et ce pour quoi on est fait) peut suffire à atténuer voire annihiler certaines dimensions de sa pyramide de l’ombre (peurs, timidité…)[2]. On serait tenté de dire par raccourci, qu’« au midi de sa propre lumière, l’ombre n’existe plus ».
2. En outre, si on travaille l’ombre, il vaut mieux savoir dans quelle direction aller si les loups de nos peurs nous rattrapent. Dans le doute et la crainte, il est toujours préférable de disposer de la carte de soi et d'aller toujours vers sa lumière, vers l’amour, vers ce qui nous ressource, vers sa Joie, vers son « moi véritable » qu’on aura préalablement identifiés. En l'absence de porte de sortie identifiée (derrière laquelle on discerne la lumière), on donne l’ascendant à nos loups intérieurs et à nos peurs. Inversement, plus claire et complète est la carte intérieure, plus intense est la lumière en nous, plus l’obscurité recule et se dissipe, moins important et énergivore est le travail à fournir, plus rapide est l’évolution de la Conscience.

Complémentairement à la pyramide de vie qui renvoie au plan de l’Homme et à la pyramide de l’ombre qui renvoie à la Terre, la pyramide de lumière renvoie au plan taoïste du Ciel et du transpersonnel, de la transcendance, de la Totalité, de l’Universel et du « tout-relié ». On y retrouve (par connaissance, par intuition ou par ressenti) toutes les aptitudes et toutes les aptitudes qui défient la science et « qui ne sont pas d’ici » : les facultés intuitives et parapsychiques, les expériences de totalité et les états d’expansion de Conscience.

La pyramide de lumière représente la frondaison de l’arbre en lien avec le cosmos et l’invisible de l’air, la transformation alchimique de la photosynthèse et le travail de la lumière.

Bien que tout modèle soit une simplification qui laisse en route une bonne part de l’information, on pourrait tenter de représenter la « Clarté de soi » par ces trois pyramides superposées.

Chaque homme et chaque femme superpose à sa manière, de manière consciente ou inconsciente, les trois pyramides de vie, de l’ombre et de la lumière, à la manière d’un poisson planté verticalement par la tête. Untel peut avoir une grosse tête (pyramide de l’ombre dominante) et une petite nageoire caudale (pyramide de lumière presque absente) ou bien à l’inverse se sentir et se connaitre à la manière d’un poisson aérien à la nageoire surdimensionné et au corps sans tête (ombre quasi absente). Tous les camaïeux existent naturellement entre ces deux extrêmes.

Une fois des 3 pyramides décrites et posées, il est alors facile de faire apparaitre une forme de dynamique chronologique de la Conscience applicable à chacun d’entre nous, autour de 4 étapes successives :

La dynamique des pyramides de l’évolution

1. Dompter le Tigre : L’Homme prend Conscience, c’est début de l’histoire. L’ombre est encore majoritaire, beaucoup de choses sont encore à travailler (gestion des émotions, héritage familial, conditionnement des comportements action/réaction, pacification des relations à soi et à l’autre, identification et soin des blessures de l’enfance, focalisation de son mental…). On vit dans l’ignorance de soi, on ne se connaît pas ou peu, on ne connaît pas ses potentialités et ses axes de travail, on n’a pas de but dans la vie, on ne sait pas quoi apporter aux autres et au monde, on ignore son impact sur le monde. L’individu se trouve à l’état d’un diamant natif, sans origine et sans but précis, sans prise en compte de l’histoire et des variables de son « équation personnelle ». C’est l’étape de la prise de Conscience et de la mise en marche du processus évolutif de la Conscience.

2. Libérer le Dragon : L’Homme a taillé et poli les facettes. Il sait qui il est et où il va. Il connaît grosso modo son histoire et sa personnalité, ses points forts et ce qu’il est venu travailler durant sa mission de vie et s’y emploie activement. Il a globalement pacifié ses émotions et s’ouvre aux autres. Il reste dans le monde de l’horizontal et élargit sa Conscience.

3. L’envol du Dragon : L’Homme (ou la Femme) conscient réduit encore davantage ses peurs et ce qui le freine (son obscurité). Sa pyramide de vie rayonne et il offre aux autres et au monde ses qualités et ses exceptionnalités. Ouvert d’esprit et aux autres, il s’ouvre également à ses potentialités parapsychiques : l’intuition notamment. Il ressent l’énergie à l’intérieur de son corps et se sent relié à quelque chose de plus grand que lui (ou elle), à ce dont parlent toutes les traditions du monde. Il s’ouvre au vertical. En phase d’élévation de la Conscience, il peut à ce stade commencer à discuter avec ses guides intérieurs.

4. Retourner à l’origine : fusion avec la Totalité, l’Homme sublimé rejoint les plans subtils. C’est le retour à l’origine et au Grand oubli dont parlent les taoïstes, l’immortalité céleste.

A bien y regarder, ce cheminement reprend d’une autre manière la « voie de l’ego » décrit tout au long de l’ouvrage « Mon ego, ce héros* ».

Un dernier mot pour clore ce propos. A la fin de l’ère du poisson et au démarrage prochain de l’ère du verseau, il est amusant de constater que l’évolution de chacun et plus largement de notre espèce puisse prendre la forme d’un poisson planté à la verticale.

Plus surprenant encore, il est intéressant d'observer que l’évolution de la Conscience de notre Humanité passe par la disparition de la tête (moins de mental, de peur et de contrôle) et l’augmentation de la taille de la nageoire caudale (la lumière, l’amour, la joie) qui, dans le monde ichthyen, est celle qui donne le sens et la direction.

Ouvrages cités :

*« Mon ego, ce héros », Editions Dangles, 2015

** "Coaching des dirigeants du IIIè millénaire", Management et Société (EMS), 2021

[1] Les « Drivers » sont des mini-programmes d’action appris durant l’enfance et qui induisent nos comportements de manière automatique, notamment en situation de stress. Il existe 5 drivers fondamentaux développés par Taibi Kahler, le créateur de la Process Com : « Sois parfait », « Sois fort », « Fais des efforts », « Dépêche-toi » et « Fais plaisir ».

[2] Parce qu’il vit avec passion son projet, un start-uper par exemple a moins peur de prendre la parole en public.